Tapanahoni river, Suriname

Ecrivain

Tapanahoni river, Suriname

Bosso bosso, notre chef piroguier…
Je me souviens… une halte dans une petite crique quelque-part sur la rivière Tapanahoni. Nous avons bifurqué vers le Suriname à Grand Santi. Dans une eau translucide, moteur à l’arrêt nous nous échouons sur un petit banc de sable à une enjambée de la rive. L’endroit est idyllique…
Nous sommes prêts à nous dégourdir les jambes et à sauter dans l’eau. Bosso bosso nous alerte d’un cri bref. Personne ne bronche. Nous le voyons s’armer d’un long coupe coupe.

Enfouie dans le sable à moins d’un mètre de la pirogue, une forme circulaire immobile patiente…
Nous sommes hypnotisés par ce corps aplati, marbré, bien camouflé d’une envergue de trente centimètres. Bosso bosso se met en scène, arguant sang froid et savoir faire. Il met délicatement un pied à l’extérieur. Son point d’appui bascule lentement et il se retrouve ancré sur le fond sablonneux, de l’eau quasi jusqu’au genou. La pirogue se soulève légèrement, soulagée de son poids. Des ondes liquides se diffusent à la surface. Il est concentré, nous le voyons tenir fermement le manche de sa machette qu’il lève dans les airs, prêt à frapper.

Elle, calme, a tout anticipé à l’aide de ses yeux en position dorsale. Alors que la lame s’abat, tel un vaisseau d’un autre monde, elle s’élève dans l’eau vive comme l’éclair et disparaît en un battement de nageoire. L’arme est déviée grossièrement par l’eau et pris de stupeur, le bipède maladroit plonge dans la pirogue. Tout le monde s’esclaffe, inconscient du danger, sans réaliser sur l’instant que nous venons de croiser Potamotrygon hystrix, une des plus redoutables raies d’eau douce dotée d’un aiguillon au venin nécrosant…